samedi 25 juillet 2015

Grand Paris: une métropole votée, mais pas encore achevée

Le Parlement a voté, le 9 juillet dernier, le projet de loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), qui met en place la Métropole du Grand Paris. Il aura fallu, après deux lectures dans chaque chambre, une Commission Mixte Paritaire (CMP) pour mettre d'accord Assemblée nationale et Sénat, sur ce texte censé moderniser l'action territoriale de l'Etat, à travers la réorganisation des collectivités territoriales.

La Métropole du Grand Paris rassemblera donc, Paris, les communes de petite couronne, les communes limitrophes de la petite couronne qui en formulent la demande, et les communes qui regroupent l'Opération d'Intérêt National Orly-Rungis. Elle rassemblera 7 millions d'habitants, et sera divisée en 12 Territoires, qui ont statut d'Établissement Public de Coopération Intercommunal et possèdent donc une personnalité morale distincte de la Métropole. Ils devront comprendre au moins 300 000 habitants. Ces Territoires remplacent les Communautés d'Agglomération, qui disparaissent. Les compétences de la Métropole regroupent l'aménagement du territoire, le développement économique, le logement et l'habitat, la politique de la ville et la protection de l'environnement et du cadre de vie. Elle peut en déléguer certaines aux Territoires. Le détail des dispositions législatives relatives à la MGP sont disponibles ici

Le volet de ce texte sur la Métropole du Grand Paris (MGP) ne fait pas que des heureux, et suscite toujours de vives inquiétudes parmi les élus locaux franciliens, tant sur sa mise en oeuvre dans le court terme, que sur les conséquences qu'il pourrait avoir à long terme.

Sur le court terme tout d'abord, la Ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction Publique a réaffirmé, et a fait adopter par la CMP, sa volonté de voir la MGP naître au 1er Janvier 2016, et ce contre l'avis de l'immense majorité des élus franciliens, qui préconisaient une mise en place un an plus tard. Ils avaient en effet mis en avant l'impréparation de cette métropole, dont le périmètre exact, comme les compétences, n'ont été confirmés qu'en ce début du mois de Juillet, et dont les détails techniques et opérationnels dépendent de décrets qui n'ont toujours pas vu le jour. Ces décrets couvrent des sujets extrêmement larges : ils définiront les sièges de la métropole et des territoires, confirmeront leurs périmètres exacts, fixeront les caractéristiques des transferts financiers entre les communes, les territoires et la métropole lors de la mutualisation des services, ou détailleront par exemple les conditions de dissolution de certains offices publics de l'habitat communaux.

Sachant que ces décrets seront publiés à quelques semaines de la naissance de la métropole, et qu'ils susciteront probablement des interrogations nouvelles, voire seront l'objet de multiples recours, précipiter ainsi le calendrier ne semble pas permettre un mise en place de la métropole dans un cadre serein, ni efficace. Il y a fort à parier que les premiers mois de la Métropole et des Territoires s'organisent dans une confusion généralisée (en plus de l'incertitude liée aux premiers pas d'une nouvelle collectivité), et que la Métropole ne soit véritablement opérationnelle qu' (au moins) un an plus tard... après avoir englouti une année de budget.

Sur le fond, les dispositions de la CMP relatives à la Métropole du Grand Paris renforcent les inquiétudes qui avaient pu être exprimées pendant le débat parlementaire, ou en créent de nouvelles.

La petite couronne était auparavant constituée de très nombreuses collectivités sur un très petit territoire. Communes, Communautés d'Agglomération, Départements, Région puis Etat, cela constituait de mon point de vue au mois un échelon de trop. En remplaçant les Communautés d'Agglomération par les Territoires, et en ajoutant l'échelon de la Métropole, cela en fait désormais deux. Alors qu'il avait été envisagé par le Premier Ministre, de supprimer les départements de petite couronne, cela ne sera finalement pas le cas. Cela est à mon avis extrêmement dommageable. Je reste convaincu que cela va compliquer à l'extrême le jeu institutionnel, rendre encore plus difficile (et allonger) toute prise de décision car il faudra l'accord de tous les acteurs, et opacifier les responsabilités en multipliant les financements croisés et en menant à des montages tels, avec l'implication de chaque échelon, que plus personne ne sera in fine responsable devant les citoyens.

Sur la politique de l'urbanisme, du logement et de l'habitat, les élus de petite couronne ont toujours été très réticents à abandonner leur compétences, et les outils qui avaient démontré leur efficacité, comme leurs offices publics de l'habitat. Il s'agit de ces fameux OPH que j'avais évoqués dans un billet précédent, et qui sont en charge du parc locatif social dans les communes. Ils seront transférés aux territoires, et continueront de compter parmi leurs membres de leur territoire siégeant au conseil d'administration, une majorité d'élus de leur commune d'origine, mais ne seront plus une compétence communale, ce qui éloignera leur gestion des problématiques de leur population. Un Plan Local d'Urbanisme intercommunal voit aussi le jour : il définira les orientations de la politique d'urbanisme dans chaque territoire. Il s'imposera aux communes, qui sont donc dessaisies de cette compétence, même si elles pourront formuler leur avis sur les dispositions qui les concernent directement. S'il est négatif, il faudra alors une majorité des deux tiers pour adopter le Plan local d'urbanisme intercommunal concerné.

Les maires ont toujours mis en avant l'avantage que constituaient leur proximité et leur connaissance des problématiques de leur commune, pour décider de la politique d'urbanisme sur leur territoire. Y renoncer, c'est accepter qu'un organe non entièrement élu par les habitants de la commune (le Territoire), puisse imposer ses choix d'aménagement à une commune, potentiellement contre l'avis de sa majorité municipale. Et cela sans possibilité de contrôle démocratique, car une alternance de la majorité municipale dans la commune en question n'y changera rien. On inscrit donc dans la loi le principe que d'autres organes puissent décider à la place des institutions démocratiquement élus pour les questions de proximité (et quelles politiques sont plus liées à la proximité que les problématiques d'aménagement et de logement?), ce qui n'est pas acceptable.

De plus, la répartition des communes au sein du conseil de la métropole pose question. Si le principe d'au moins un membre par commune s'est imposé (on pouvait difficilement demander aux communes de rejoindre la métropole tout en leur disant qu'elles n'y seraient pas représentées...), le mode de répartition a changé radicalement entre les deux lectures à l'Assemblée puis au Sénat, et la CMP. La ville de Paris a ainsi vu augmenter, de manière surprenante, sa représentation relative, au détriment des communes de taille moyenne de petite couronne. Si l'on ajoute à cela un amendement inique (et grotesque) pour empêcher la cheffe de l'opposition municipale parisienne de siéger à la Métropole, des doutes sérieux peuvent être formulés sur la légitimité du mode de répartition des membres de la métropole.

Enfin, et c'est probablement le plus grave, les dispositions de cette métropole ont été votées contre l'avis des élus locaux du territoire en question. Alors que tous reconnaissaient la nécessité d'institutionnaliser le "fait métropolitain", les élus locaux de petite couronne ont défendu, dans une immense majorité, une vision plus pragmatique de la métropole, en insistant sur le fait qu'un tel bouleversement institutionnel ne pouvait avoir lieu que progressivement, et en mettant en avant bien plus la mutualisation des services au citoyen, plutôt que la définition de grandes politiques générales (notamment pour l'urbanisme et le logement), forcément plus éloignées (géographiquement et démocratiquement) des préoccupations et des besoins des populations. L'assemblée des Maires (et des autres exécutifs) du bassin parisien, Paris Métropole (où siègent de nombreux élus de gauche, qui ne sont malheureusement, dans leur majorité, pas parlementaires), a exprimé à plusieurs reprises les sérieuses inquiétudes que suscitait ce texte. Ce décalage a été rendu possible par une procédure législative inadaptée pour un enjeu de cette taille. La métropole du Grand Paris a d'abord été instrumentalisée par un petit nombre de parlementaires socialistes, qui ne sont dans leur majorité pas des élus locaux , pour la façonner à la hauteur de leurs ambitions (voir un papier précédent), puis elle a servi de monnaie d'échange au sein d'un texte très dense (la loi NOTRe), qui comportait beaucoup de points litigieux. Si bien que le résultat est nécessairement un texte qui mécontente l'immense majorité des élus de petite couronne.

Les députés Les républicains ont décidé de déposer un recours contre la loi NOTRe devant le Conseil Constitutionnel (texte du recours à découvrir ici), et particulièrement contre certains de ses chapitres sur la Métropole du Grand Paris. Même si les chances de succès de ce recours paraissent très faibles, il sera peut être l'occasion de modifications salutaires concernant certains chapitres relatifs à la MGP.

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