Les attentats de Nice ont replacé la police municipale au cœur des débats sur la sécurité des populations. Les polices municipales sont de plus en plus sollicitées pour assurer des missions de sécurité et de salubrité, si bien que plusieurs voix médiatique (voir l’article des Echos) et politique (voir la tribune de Philippe Laurent) ont évoqué la nécessaire clarification de ses missions.
Quelles sont les missions exactes des polices municipales ? Combien d’agents comportent-elles et quelles évolutions pourraient voir le jour dans les prochaines années ?
D’un point de vue historique, l’idée d’une police municipale distincte de la police nationale est relativement récente. C’est par un arrêté du 22 septembre 1965 que les Maires ont acquis la possibilité de créer des polices municipales dans les villes de plus de 2000 habitants. Auparavant, ce que l’on entendait par police « municipale » était le service général de police, qui, crée dans pendant la Révolution et mis à disposition des Maires, a été progressivement étatisé. L’idée de politiques locales de sécurité, qui peuvent approfondir la politique nationale, voit progressivement le jour, et est consacrée dans le rapport dit "Bonnemaison" en 1982, notamment à travers le prisme de la proximité (voir le site vie-publique.fr pour l’historique des politiques locales de sécurité).
Les effectifs et les missions des polices municipales se sont dès lors développés, et le cadre juridique de leur action s’est également étoffé, à travers plusieurs lois en 1999, 2001, et 2003. Elles leur permettent entre autre de procéder à des contrôles d’identité dans leur relevé des infractions, de rendre compte aux officiers de police judiciaire, ou elles décrètent que leurs agents doivent être assermentés. Ces dispositions permettent également la mise en commun des forces de polices municipales lors d’événements importants. Parallèlement, le nombre de policiers municipaux a augmenté fortement, passant de 5 641 en 1984 à 21 000 en 2015. Il faut ajouter à ce chiffre les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), au nombre de 7137 fin 2015, qui n’ont pas le statut de policiers municipaux, et dont les missions peuvent être très larges (voir le détail ici).
De nos jours, les compétences précises des polices municipales sont multiples et procèdent de plusieurs dispositions législatives qui peuvent autoriser la police municipale à intervenir (notamment l'article 78-6 du Code de la procédure pénale). Le site du ministère de l’intérieur a tenté de les résumer de manière simple ; la police municipale a ainsi notamment pour mission :
- de seconder dans leurs fonctions les officiers de police judiciaire (au delà de leur mission de faire respecter les arrêtés municipaux) ;
- de constater les infractions à la loi pénale et de recueillir tout renseignement en vue de découvrir les auteurs de ces infractions ;
- de constater, par procès-verbal, certaines contraventions au code de la route (absence du titre justifiant l’autorisation de conduire le véhicule, de carte grise, etc.) ;
- de constater certains délits du code de la construction et de l’habitation (voies de fait et menaces de commettre des violences dans l’entrée, la cage de l’escalier ou les parties communes d’un immeuble collectif, non respect du permis de construire, etc.).
A cela s’ajoute des dispositions particulières pour verbaliser plusieurs catégories d’infractions, notamment au code de l’environnement en ce qui concerne la protection de la faune et de la flore, la pêche, la publicité, etc ; à la police de conservation du domaine routier (dommages causés à un panneau directionnel, à un terre-plein, etc.) ; à la lutte contre les nuisances sonores ; à la police des gares ; ou enfin à la législation sur les chiens dangereux. Leur rôle de prévention est également à souligner.
De fait, la législation laisse une grande marge d’appréciation aux Maires dans le développement des missions des polices municipales. On observe donc des disparités toujours plus grandes dans les outils et les modalités utilisés pour mettre en œuvre ces missions. D’après les données publiées par le Gouvernement (effectifs par ville) et analysées par la Gazette des Communes, « 3486 collectivités disposent d’un service de police municipale. Seules 16 villes comptent plus de 100 agents, 59 en comptent plus de 50 et 961 plus de 5. Les 2525 autres collectivités, soit près des trois quarts, comptent un service de 1 à 4 agents". Les outils diffèrent également fortement, puisque différentes catégories d'armes peuvent être mises à la disposition des policiers municipaux (de l'absence d'arme, à la matraque voire l'arme à feu). Les services de police municipale sont donc extrêmement divers, et il convient dès lors de parler de polices municipales au pluriel, comme le suggère un rapport de 2010, tant la situation varie entre un policier municipal niçois, qui peut être armé et dispose de 400 collègues, et un policier municipal d’une plus petite ville qui ne dispose que de quelques collègues et de moins d’équipement.
Ces évolutions posent question. Je suis pour ma part convaincu, que dans l’idéal, compte tenu des zonages différents qui existent déjà entre police et gendarmerie, l’existence d’une police municipale qui joue le rôle de la police nationale n’est ni nécessaire ni souhaitable. La sécurité est une prérogative de l’Etat, et c’est à lui de l’assurer partout sur le territoire, en fonction des caractéristiques de chaque territoire. Le développement des polices municipales en territoire urbain est avant tout le résultat d’un désengagement progressif de l’Etat dans ses prérogatives régaliennes et de la volonté politique des Maires de répondre aux demandes de leurs administrés.
Le risque principal est naturellement que les plus petites communes concernées subissent ce désengagement de l’Etat pour les questions de sécurité, prenant acte du rôle de plus en plus important joué par les services des plus grandes collectivités. C’est probablement la raison qui a conduit l’Association des Maires de France à demander une clarification, alors qu’elle s’est toujours montrée très prudente sur le développement des missions des polices municipales, craignant justement un désengagement de l’Etat. Les obligations en termes de formation (par exemple dans le cas du port d’armes) et les effets d’échelle importants qui existent pour mettre en place un service de police efficace (par exemple pour l’amplitude horaire) créent une disparité entre les plus grandes communes et les plus petites, notamment sein d’une même en zone urbaine.
La question sémantique mérite également d’être posée, dans le sens où utiliser le même terme ("police") pour des situations aussi différentes peut mener à une extrême confusion, de la part des pouvoir publics comme des citoyens. C’est la voie que nous suivons à Sceaux, où le service de police municipal sera remplacé par un service de tranquillité urbaine, dont les compétences correspondront peu ou prou aux compétences des ASVP (voir plus haut), qui sont déjà très élargies, et dont l’activité sera similaire à l’activité de l’ancien service.
Plusieurs voix ont été évoquées pour refonder les polices municipales et pallier les lacunes qui ont été évoquées plus haut. Un rapport sénatorial de 2012 proposait de créer les polices territoriales, en préconisant de fusionner les polices municipales et les ASVP, dans le but d'accroître la lisibilité des compétences pour le citoyen. Cela va plutôt dans le sens d'un recentrage des missions de la police municipale vers la proximité. La création d'une police métropolitaine fut également évoquée, pour mettre en commun les polices municipales au sein des mêmes agglomérations, et préconisait donc le renforcement de leur rôle sécuritaire. L'idée centrale étant que la délinquance et les infractions n'ont généralement pas les limites des communes, et qu'un commandement efficace nécessiterait une mise en commun. Cette idée figurait dans un rapport sénatorial qui précédait la création de la Métropole du Grand Paris. Si je tends à préférer la première option, toute clarification sera la bienvenue. Plus fondamentalement, l’histoire des polices municipales ressemble comme deux gouttes d'eau à l'histoire de la décentralisation. Les prochains développements concernant la police municipale permettront peut-être d'en savoir un peu plus sur l'avenir des collectivités territoriales.
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