jeudi 23 août 2018

La recentralisation n'est pas la Solution

Retrouvez ci-dessous la tribune publiée sur le site du Mouvement Servir à l'occasion de la conférence nationale des territoires.


La recentralisation n’est pas la solution

La première année du quinquennat a été inquiétante pour l’avenir des relations entre Etat et collectivités territoriales. Alors que les trois dernières années avaient été marquées par une baisse importante de leurs ressources et des réformes institutionnelles incessantes, les perspectives ne sont guère meilleures sous la nouvelle mandature. Fait inédit, les trois principales associations d’élus (Association des Maires de France, Association des Régions de France, Association des Départements de France) ont aujourd’hui décidé de boycotter la conférence nationale des territoires, alors que siègent à leur tête des élus qualifiés de « Macron-compatibles » dans les premiers mois du quinquennat. De peur sûrement que ce raout ne soit qu’un exercice de communication de plus, sans réelles avancées pour améliorer la gouvernance des territoires.

Le gouvernement a raté la voie de la confiance avec les collectivités. Dédaignant les politiques publiques qu’elles conduisent, méprisant le rôle désintéressé des élus qui sont, pour leur grande majorité, bénévoles ou peu rémunérés, et contournant leur légitimité électorale, le gouvernement ne semble considérer les collectivités territoriales que comme un centre de coûts, voire comme une variable d’ajustement de ses objectifs quinquennaux.


L’Etat n’a pas le monopole de l’intérêt général. Il est lui-même l’un des principaux moteurs de la dépense locale.

Pourtant, les collectivités mériteraient un autre sort. L’Etat n’a pas le monopole de l’intérêt général. Il est lui-même l’un des principaux moteurs de la dépense locale par le poids des charges qu’il transfère, ou qu’il engendre automatiquement en raison des décisions qu’il prend seul, comme l’augmentation des allocations individuelles de solidarité ou les nouvelles contraintes réglementaires qu’il fait peser sur la fonction publique.

Ignorées par un Etat qui raisonne bien trop souvent à courte vue, les collectivités sont pourtant capables d’incarner, elles aussi, l’intérêt général. Depuis plusieurs années, elles ont réalisé un effort important sur leurs dépenses et sur leur gestion. Elles doivent naturellement le poursuivre, mais il serait logique que cet effort s’applique à tous, Etat compris…



Quand 65% des Français se défient des institutions et de leurs responsables politiques, 67% apprécient leur maire.

De plus, les collectivités jouent un rôle civique fondamental : la commune reste l’unité institutionnelle de référence, condition du sentiment d’appartenance pour les citoyens, de la responsabilité pour les élus, et de la stabilité pour tous. En témoignent les taux de confiance inégalés de la population à l’égard de cet échelon local, jamais démentis dans les sondages annuels du Cevipof. Quand 65% des Français se défient des institutions et de leurs responsables politiques, 67% apprécient leur maire. La suppression de la taxe d’habitation illustre dramatiquement cette incompréhension. Ella va casser un peu plus le lien entre les citoyens et leurs collectivités. L’autonomie fiscale de ces collectivités est pourtant le meilleur moyen d’accroître leur responsabilité devant le peuple, car les citoyens constatent très directement les conséquences de la gestion municipale sur leur feuille d’impôt.


« La centralisation, c’est l’apoplexie au centre et la paralysie aux extrémités »

Il est de l’intérêt de tous que des collectivités dynamiques développent l’environnement dans lequel notre pays pourra prospérer. Ce sont elles qui permettront aux Français de reprendre conscience de leurs devoirs de citoyens, de leur intégration au sein d’une communauté politique. Pour ce faire, les collectivités doivent disposer des moyens pour mener les politiques publiques ancrées dans les territoires, qui, si elles sont décidées au plus proche des citoyens, suscitent une large adhésion. Il est urgent d’entendre la voix des territoires, avant que la froideur administrative n’écrase tout sur son passage, ne laissant aux élus locaux qu’un rôle de représentation sans aucun levier pour améliorer le sort de leurs concitoyens. Ils ont raison de refuser le sort de simples marionnettes du pouvoir central. N’oublions pas le mot de Lammenais : « la centralisation, c’est l’apoplexie au centre et la paralysie aux extrémités. »

samedi 5 mai 2018

Hausse des impôts à Sceaux : pourquoi j'ai voté contre

Après chaque Conseil municipal, je reviendrai en détails sur une décision votée, pour expliquer la situation et les déterminants de la résolution.

A l'occasion des débats budgétaires, le Conseil municipal du 29 mars a voté l'augmentation des taux communaux de la taxe d'habitation et de la taxe foncière. J'ai voté CONTRE cette résolution, et j'ai expliqué ce choix lors du Conseil : cette intervention est disponible dans le procès verbal de la séance (voir ci dessous).

En effet, je suis convaincu que cette hausse d'impôt aurait pu être évitée. Ce qui nous aurait permis de ne pas revenir sur l'un des principaux engagements que nous avions pris devant les électeurs lors des élections de 2014. 

Au cours des dernières années, les services de la ville ont réalisé des efforts très importants pour maîtriser les dépenses communales et faire face à la baisse des dotations. Entre 2008 et 2016, les dépenses de fonctionnement totales (hors effet de la création du nouveau Territoire, qui a remplacé la Communauté d'Agglomération, et des prélèvements de l’Etat au titre de la péréquation) ont augmenté de 2,3%, soit 0,3% par an. Ce chiffre est nettement inférieur à l’inflation, et témoigne de la gestion rigoureuse qui a été mise en place depuis une dizaine d'années. 

La situation financière de la ville est saine. Grâce à ces efforts, et malgré la baisse des dotations, les recettes de fonctionnement sont bien plus importantes que les dépenses et permettent de dégager chaque année un "excédent" de l'ordre de 3 millions d'euros. Les chiffres généraux détaillés par années sont disponibles sur le site du Ministère des Finances jusque l'exercice 2016, et sur le site de la ville pour l'exercice 2017. 

Néanmoins, la politique d'investissement des années à venir nécessitera beaucoup plus de ressources que par le passé, en raison d'une accélération importante du rythme des projets. C'est cette accélération qui me paraît contestable, car elle n'est pas adaptée à la capacité financière de notre ville.

Entre 2008 et 2016, les investissements (travaux, acquisitions, etc.) se sont élevés au total à 56 millions (dont 7 millions pour acquisition foncière) - soit en moyenne 7 millions par an. Ce montant était supérieur à celui de la moyenne des communes, mais était adapté aux capacités financières de notre ville. En effet, ces investissements ont pu être financés entièrement par ressources propres : 32 millions en subventions, participations et cessions immobilières, et 24 millions d’autofinancement. Le stock de dette est ainsi resté stable depuis début 2008, et les impôts n'ont pas été augmentés depuis 2008.

Dans les prochaines années, le rythme d'investissement va s'accroitre de manière trop importante. Pour les 4 années entre 2018 et fin 2021, le montant d'investissement nécessaire sera de l'ordre d'une dizaine de millions d'euros par an en moyenne, soit environ trois millions par an en moyenne de plus que sur la période précédente. Ce déséquilibre a conduit le Conseil municipal à voter une hausse des taux communaux, pour financer la masse d'investissements prévus. Lors de la séance du Conseil municipal, j'ai regretté que notre politique d'investissement n'ait pas été mieux calibrée pour prendre en compte les capacités financière de la ville.

Naturellement, la prévision des montants d'investissements n'est pas toujours une chose aisée. Il existe toujours une incertitude sur les grands projets d'investissements, en raison des discussions avec les parties prenantes, notamment les autres collectivités locales ou l'Etat, les autorisations administratives à obtenir, ou les aléas liés aux travaux. Lorsque cela se produit, les villes ont la capacité de s'endetter temporairement pour faire face à un calendrier d'investissement qui est nécessairement mouvant. Dans notre cas, la concentration des investissements dans les années à venir résulte avant tout d'une multiplication non échelonnée des projets, mais également, pour une petite part, du déblocage non anticipé de certains projets au même moment. Pour y faire face, une hausse des impôts n'est pas la meilleure réponse. Un meilleur échelonnement des projets pour les investissements fondamentaux et l'emprunt pour ces investissements qui ne peuvent être repoussés sont les options que j'aurai privilégiées, ce qui nous aurait ainsi évité de revenir sur l'une des principales promesses de la campagne municipale en 2014.

D'un point de vue plus général, je suis très attaché à la liberté d'administration des collectivités locales, qui est selon moi l'expression la plus naturelle du principe de subsidiarité, qui attribue à l'échelon le plus proche des citoyens la direction des politiques publiques qui le concerne. Je regrette que les collectivités soient trop souvent pointées du doigt pour leur gestion supposée dispendieuse, que ce soit par l'administration centrale ou par une opinion communément répandue dans les salles de rédaction des grands médias parisiens. Par ses efforts dans ses dépenses de fonctionnement, la ville de Sceaux a démontré qu'elle était capable de tenir rigoureusement son budget durant ces dix dernières années : la stabilité de la dette et des taux d'impôts en témoigne. Mais cette récente fuite en avant en matière d'investissement, et la hausse des impôts qui lui est directement liée est regrettable à double titre. Elle annihile d'une part les efforts réalisés jusqu'à présent, et, surtout, elle risque de donner les meilleurs arguments à nos contempteurs pour accroître encore plus leur pression sur les dépenses des collectivités. 

Le journal Le Parisien revient sur le vote du budget à Sceaux dans son édition du 2 avril.

Figure ci dessous le verbatim de mon intervention lors du Conseil municipal:

"Je tenais à vous dire que ce budget 2018 me laisse un goût d’inachevé. 

Cela a été dit, des efforts extrêmement importants ont été faits sur les dépenses de la commune. La situation financière de la Ville est bonne en section de fonctionnement. Nous dégageons chaque année environ 3 M€ d’autofinancement, ce qui était jusqu’à présent largement suffisant pour financer nos investissements. 

Si nous sommes aujourd’hui contraints d’augmenter les impôts, c’est, parce que notre politique d’investissement n’est pas calibrée au regard des capacités financières de notre ville. Je regrette que nous n’ayons pas été capables, tous ensemble, de mieux appréhender les investissements dans leur durée pour pouvoir les espacer davantage et rendre leur poids soutenable pour les finances de notre commune. 

Je le regrette d’autant plus que nous nous étions engagés de manière extrêmement vigoureuse en 2014, lors des élections municipales, à ne pas augmenter la fiscalité locale. C’est la raison pour laquelle je voterai contre ce budget."