samedi 23 janvier 2016

Comment fonctionne une Commission d'appel d'offres?

Vendredi dernier avait lieu la Commission d'appel d'offres, dont je suis membre, qui étudiait les candidatures reçues pour la prestation d'élagage des arbres de la ville.

Les collectivités territoriales peuvent recourir aux services d'entreprises privées (ou d'autres organismes publics) pour les aider dans leurs missions au quotidien. Les collectivités n'ont parfois pas toutes les compétences au sein de leurs services pour répondre à l'ensemble des besoins du service public local. Ces interventions peuvent concerner diverses prestations, comme par exemple le ramassage des ordures, l'achat de fournitures, le nettoyage des rues, l'élagage des arbres, la construction, ou des prestations de conseil. 

Cette interaction avec les entreprises privées (ou d'autres organismes publics) passe par la signature de contrats administratifs, qui peuvent prendre deux formes*: le marché public (où le tiers répond au besoin formulé par la collectivité en échange d'un prix que cette dernière acquitte) ou la délégation de service public (où la puissance publique confie la responsabilité et la gestion d'une politique publique pour une durée limitée à un tiers en échange des recettes d'exploitation du service). 

Chacun de ces deux contrats est régi par des règles très strictes de mise en concurrence, de publicité, et de procédure différenciée selon les montants en jeu. Pour les marchés publics, dans le cas d'une prestation de service (comme ici avec l'élagage), un seuil de 25 000 euros déclenche une "procédure adaptée" (modalités librement fixées par la collectivité, en respectant l'article 28 du Code des marchés publics), et le seuil de 207 000 euros déclenche la procédure d'appel d'offres.
Dès lors, la publicité de l'appel d'offres est faite dans la presse locale et sur des plateformes spécialisées (on retrouve ici un exemple de publicité de ce marché public d'élagage), décrivant les détails de la prestation souhaitée. L'administration de la commune recueille les réponses et la Commission d'appel d'offres (celle qui nous intéressait ce vendredi) est réunie. 

Dans le cas de l'élagage, la ville est composée de près de 3000 arbres (hors parc), dont 1200 sur la voirie départementale. Contrairement à ce qui avait pu être fait dans le passé, l'appel d'offres ne concernait que les arbres des voies communales, et non l'ensemble des arbres des voies de Sceaux, communales et départementales. Pour des raisons juridiques et de responsabilité, le Département ne peut en effet plus, comme il y a quelques années, déléguer par convention l'élagage des arbres des voies départementales à la Ville, moyennant une participation financière.

L'appel d'offres étudié était un appel d'offres par bons de commande. Cela signifie que la commission donnait son accord pour une enveloppe de prix sur une certaine période, et la collectivité pouvait alors faire appel à l'entreprise désignée à chaque fois que nécessaire dans l'enveloppe financière et temporelle déterminée. Étaient présents à cette réunion les membres de l’administration communale (Finances et voirie) concernés, les membres de la Commission d'appel d'offres (où siège un membre de l'opposition municipale), et deux agents de l'Etat: le comptable de la ville de Sceaux (chargé d'exécuter les paiements) et un membre de la Direction de la Protection des Populations (ex direction de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes, DDCCRF)

Durant cette Commission, l'administration présente les nombreuses offres reçues (et leur abondante littérature commerciale) qu'elle a classées en fonction de différents critères. Dans notre cas (prestation d'élagage), il s'agissait de critères techniques (60% de la note) tels que les moyens humains proposés, les matériels, les pratiques de coupe, l'organisation et la sécurité du chantier, les délais d'intervention en cas d'urgence, et les performances environnementales (pollution et nuisances sonores). A ces critères techniques s'ajoute le critère prix (40% de la note). Chaque proposition était notée, et une pondération était appliquée à chaque critère en fonction de leur importance. 

La discussion s'engage ensuite, en étudiant le dossier préparé par l'administration. Si la méthodologie et les différentes notes attribuées conviennent aux membres de la Commission, l'entreprise qui a obtenu la meilleure note remporte l'appel d'offres. Il faut savoir que lorsqu'une offre est sensiblement plus faible que les autres, l'article 55 du Code des marchés publics donne la possibilité à la collectivité de demander des justificatifs démontrant que l'offre n'est pas anormalement basse. Toute autre forme de communication entre la collectivité et l'entreprise est interdite une fois que le dossier de candidature a été déposé en réponse à l'appel d'offres (sauf en cas de manque d'une pièce demandée, où un délai peut être octroyé pour y remédier). Cette procédure est relativement contraignante, car il n'est par exemple pas possible de demander des précisions sur un prix ou des prestations qui peuvent avoir été mal compris. 

Par ailleurs, le principe de liberté d'accès à la commande publique ne permet pas (hors prestations intellectuelles) de sélectionner une entreprise qui candidate en fonction de ses "références" (article 52 alinéa 4 du Code des marchés publics). Une réforme du Code des marchés publics pourrait permettre prochainement aux collectivités d'écarter d'emblée une entreprise qui aurait déjà remporté le marché public par le passé, et dont le contrat aurait été interrompu pour manquement, selon les raisons de la rupture du contrat (malfaçon, mise en danger,...), mais le cadre légal actuel ne le permet pas. On comprend donc l'importance du suivi de ces marchés publics par le pouvoir adjudicateur, une fois que ceux-ci ont été attribués. 

Cet exemple permet d'illustrer les trois grands principes de la commande publique (liberté d'accès, égalité de traitement, et transparence des procédures ; pour en savoir plus sur ces principes voir ici), et le fait que son cadre est extrêmement contraint ; les élus ont un pouvoir de contrôle certain, mais finalement peu de pouvoir de décision direct (ils ne peuvent par exemple absolument pas sélectionner eux-mêmes une entreprise sans considération pour ses aptitudes techniques, évaluées par l'administration). Mais c'est cette contrainte qui est le garant du bon fonctionnement de la commande publique, un enjeu majeur à la fois pour la qualité du service public local, et pour la maîtrise des finances publiques.    

*d'autres formes de contrats, beaucoup plus rares peuvent exister, voir le lien suivant

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